L’histoire du cheveu afro

Faites comme chez vous, installez vous confortablement avec une petite infusion et dégustez cette article. Aujourd’hui nous allons traiter d’un sujet qui me tient à cœur : L’histoire du cheveu afro.

C’est un post très important pour moi car il décortiquera tous les maux liés à notre société actuelle face au rapport que nous avons à nos cheveux. Et je trouve que l’on n’en parle pas assez !

Il est important de savoir qui on est et d’où l’on vient pour avancer.

Des coiffures africaines d’antan jusqu’à aujourd’hui, le processus est long et intense mais nécessaire pour comprendre la dépréciation que nous avons en tant que personne afro descendante (personne dont les ancêtres plus ou moins lointains sont originaires du continent africain) que ce soit sur le plan esthétique ou psychologique.

En effet depuis quelques années on constate une recrudescence d’un mouvement prônant le cheveu naturel. Beaucoup de changement ce sont opérés durant ces dernières années en termes de valorisation du cheveu naturel.

Porter ses cheveux naturels

Il s’agit de porter ses cheveux tels qu’ils sont sans traitement chimique (défrisage, assouplissement, décoloration ou coloration…).

Pour ma part ça été une vraie prise de conscience : je terminais ma dernière année au collège pour entrer dans la cour des grands (le lycée). Vous savez à quel point l’adolescence est une période de recherche identitaire pendant laquelle on se pose mille et une question. Je me cherchais en tant que jeune fille noire issu de quartier défavorisé comme le disait si bien les médias.

Je voulais connaitre l’histoire de mes parents (leur parcours), l’histoire de la France (pays dans lequel j’ai grandis) et l’histoire du peuple noire à travers les époques pour mieux comprendre ce que je suis et être en paix avec moi-même.

Et c’est exactement à ce moment-là que je décide de me documenter sur l’histoire africaine à travers différents médias (livres, sites, forums…) qui m’ont permis d’ouvrir les yeux sur le sort tragique des africains : La traite négrière et la colonisation.

J’ai surtout poussé la recherche sur les coiffures d’antan au sein des différentes ethnies d’Afrique.

Par la suite je me suis beaucoup remise en question notamment sur l’image que j’avais de moi-même.

Pourquoi je me défrisais les cheveux ? Revenir au naturel, qu’est-ce que cela implique ? Comment sont mes « vraies cheveux » c’est-à-dire sans traitement chimique ? Comment les entretenir ?

Mon rapport aux cheveux

J’ai réalisé une véritable introspection pour en venir à cette conclusion : Je veux renouer avec ce que l’univers m’a donné, redécouvrir la nature de mes cheveux !

Je me suis alors lancée dans une recherche intense tel une détective privée, le problème est qu’à l’époque (Entre 2006 – 2008) il n’y avait pas énormément d’information sur l’entretien du cheveu crépu en France. Je me suis alors tournée vers les pays anglophones qui avaient déjà une longueur d’avance sur les nouvelles techniques en coiffure.

Au début rien n’était simple, j’appréhendais beaucoup ce changement car je ne connaissais rien de mes cheveux et surtout je me posais des questions sur l’image que j’allais donné aux autres.

Puis un jour ma sœur me rend visite chez ma mère sans un seul cheveu sur le crâne : Stupéfaction ! Elle me dit qu’elle en a marre de porter des extensions et qu’elle souhaite retrouver ses cheveux naturels.

Et là je me dis mais totalement, je me suis encore plus renseignée. Plus j’avance plus je découvre des forums sur lequels des filles partagent leur parcours capillaire ainsi que des astuces pour entretenir leur cheveu naturellement.

J’ai découvert par la suite Youtube qui m’a permis d’apprendre des techniques dont je n’avais jamais entendu parler.

En 2008, je me lançais dans l’aventure du blogging et les vidéos tutoriels pour partager mes expériences capillaires, parler de sujet tabou dans la communauté noire et surtout revaloriser l’image du cheveu crépu longtemps sous-estimé.

Après quelques années et de nombreux échanges avec mes clients je me suis rendue compte des préjugés dont souffrent le cheveu naturel plus particulièrement le cheveu crépu au sein même de la communauté noire.

Je me suis questionnée sur le rapport que les femmes afro descendantes ont à leur cheveu au naturel et de savoir d’où venait leur croyance limitante.

Vous me direz ce ne sont que des cheveux…alors qu’il y a une réelle problématique psychologique et sociologique là-dessous qui s’explique par un peu d’histoire.

Coiffure par J.D.’OKHAI OJEIKERE, artiste nigérien

Le commencement

Le cheveu représente une symbolique forte chez différentes cultures. A travers les époques on remarque l’importance de la chevelure. Elle joue un rôle esthétique dans la manière dont on la porte, l’accessoirise et la coiffe.

Elle détermine également le rang social c’est-à-dire l’appartenance à une ethnie ou à une caste. Le cheveu a aussi chez certaines personnes une puissance magique, empreint de spiritualité, une sorte de prolongement de soi. Une connexion entre le ciel, la terre et le cheveu afro. Pour ma part j’affirme totalement le côté énergétique des cheveux, je trouve qu’ils dégagent une énergie propre à chacun.

Le cheveu aurait également le pouvoir de se protéger contre de mauvaise influence (énergie négative d’autrui), d’optimiser sa force vitale et de se rapprocher de ses ancêtres… tant de croyance ébranlée par l’esclavage et la colonisation.

L’art capillaire est ancré profondément au sein des différentes ethnies, chacune à ses techniques, ses savoirs faire pour magnifier le cheveu au naturel avec des outils adaptés ou des produits (ingrédients) naturels tel que l’argile ou les huiles végétales.

Cet art en plus des traditions se sont en parti éteint avec :

  • La traite orientale entre le IX et la fin du XIX° siècle ont approvisionné en esclaves l’espace dominé par des peuples musulmans du milieu du VIIe siècle au début du XXe siècle (avec un maximum au XIXe siècle).
  • La traite intra africaine remonte au moins au XI siècle, a été stimulée par les deux autres, mais n’est devenue dominante qu’au XIX siècle.
  • La traite occidentale en trois phases qui va s’étaler sur quatre siècles, d’abord une phase de démarrage, initiée par les navigateurs explorateurs Portugais au XV° siècle.

Le cheveu crépu était considéré comme quelque chose de laid, sale et d’indomptable ce qui enclencha l’adoption des mœurs occidentales au détriment de la transmissions du savoir-faire des aînés.

Ces passages historiques ont engendré des conséquences irréversibles, la traite négrière a été violente, traumatisante et déshumanisante. Une perte totale de son identité, de sa valeur humaine et de ses principes.

A cet instant précis les esclaves perdent tout et sont réduis au travail forcé dans les champs pour les personnes au cheveu crépu et à la peau foncée tandis que les personnes au teint claire et le cheveu plus lisse se retrouve dans la maison du Maître car considérées comme plus proche de la « race supérieure » qui est blanche. On observe alors une hiérarchisation en fonction de la couleur de peau : Une race inférieure et une race supérieure. Le début de l’autodestruction identitaire est lancé !

A l’époque coloniale et pendant l’esclavage ces notions de dominant et de dominé resteront ancrées dans la perception de soi au sein de la communauté afro descendante à travers le monde. On parle d’aliénation mentale : Vouloir être blanc pour mieux sans sortir dans la vie.

Ce phénomène provoquera par la suite la perte de certaines croyances et traditions comme l’abandon des langues traditionnelles, des religions traditionnelles, des looks vestimentaires d’antan pour se calquer sur celle du dominant.

Aux états unis, un mouvement radical voit le jour : Black power instauré par les Black panthers.

Fondé en 1966 par Huey Newton et Bobby Seale, les Black Panthers étaient un mouvement qui voulait combattre les violences policières contre les afro-américains, à cette époque le port de la coupe afro est clairement une revendication politique.

De là est né le slogan Black is beautiful qui prône la beauté au naturel pour contrer la pression sociale et historique de l’esclavage chez les afro américains.

Ils décident de recréer une identité noire en affirmant un lien entre l’Afrique et l’Amérique.

Au même moment en Afrique d’anciennes colonies prennent leur « indépendance » que l’on peut même aujourd’hui remettre en question car certaines mœurs occidentales restent.

De grand personnage marquent l’histoire durant leur vivant comme Patrice Lumumba, Kwamé Nkrumah ou encore Thomas Sankara je vous invite vivement à prendre connaissance de leur combat.

On parle alors de Françafrique qui désigne les relations « privilégiées » entre les pays africains indépendants et les anciens pays colonisateurs sur différents plans (politique étrangère, liens financiers…). On constate alors le même processus de pression sociale chez les africains notamment dans la définition de leur nouvelle identité.

A la suite de ce mouvement qui durera environ 10 ans une nouvelle ère s’instaure au états unis, celle du défrisage. Le défrisage est un traitement chimique qui consiste à raidir le cheveu se qui va modifier sa structure de manière irréversible.

Il s’agirait de Mme CJ Walker (1867-1919) qui en est à l’origine, puis, Garret Augustus Morgan (1877-1963), en ayant amélioré le procédé chimique.

Mme Walker va donc se positionner dans ce créneau en développant une gamme complète de produits dédiée au cheveu crépu.

Le défrisage est un procédé qui s’est très vite répandu car il permet de dénaturer le cheveu de manière irréversible contrairement au peigne à lisser.

Cependant après des années d’utilisation et des études comme nous avons pu le voir dans le film Good hair sorti en 2009, le défrisant contient de la soude qui est un produit chimique hautement toxique qui peut désintégrer une canette en quelque seconde je ne vous dis pas ce qu’il fait sur le cheveu.

Je vous conseille vivement de vous rendre chez un professionnel pour réaliser tout traitement chimique afin d’avoir une bonne réalisation et limiter la casse.

Les extensions dans tout ça

Les extensions sont également apparues à la même période, leur commercialisation est majoritairement faite par les pays asiatiques (Chine et Inde principalement). Les mèches que l’on utilise pour se tresser ou encore se tisser peuvent être synthétiques ou naturelles.

De nombreux documentaires sont présents sur le sujet sur la toile concernant la provenance des cheveux naturelles.

Souvent les indiennes sacrifient leur cheveu lors de rituel sacrée mais ne se rendent pas forcément compte de la destination de ces derniers.

Les cheveux rasés sont récoltés et traités pour être commercialisés. C’est un marché florissant et qui pour moi devrait se faire de manière consciente c’est-à-dire que les personnes le souhaitant donnent leur cheveu à destination des entreprises créant des perruques ou tissages pour les personnes atteintes du cancer.

La ségrégation raciale aux USA est bien présente, les afro-américains tentent d’atténuer leurs physiques. Ils utilisaient d’ailleurs déjà le fer à boucler et le peigne à lisser. Ainsi, le cheveu crépu pouvait être lissé mais seulement temporairement.

Et puis dans les années 1980-1990, le naturel refait surface avec le mouvement rastafarisme (apparu dans les années 1930) se tournant vers une forte spiritualité, une alimentation plus saine, un refus total d’utilisation de produits chimiques dans leur cheveu.

Certaines personnes décident de se calquer sur ce mouvement social et portent des locks.

Les locks est une coiffure se définissant par des cheveux que l’on ne manipule pas ou peu et qui vont former des noeux au fil du temps.

Marcus Garvey est considéré comme le premier animateur du mouvement rastafari.

Il annonce la « fin des souffrances du peuple africain » en mettant en avant la reconnexion des africains outre-Atlantique avec leurs racines par le double retour à la Terre promise, à la fois spirituel (rédemption biblique) et physique (rapatriement en Afrique).

Retour aux sources

Dans les années 2000, un autre mouvement prend de l’ampleur celle du natural and happy « Nappy » qui reprend les revendications du retour au naturel. Ce retour fait écho aux nombreuses tensions et émeutes raciales qui sévissent aux Etas unis.

Puis avec l’avènement d’internet, de nombreuses femmes afro descendantes décident de raconter leurs histoires à travers des blogs, des forums entre autres.

Ces femmes y parlent de leur parcours, de leurs techniques d’entretien et proposent des tutoriels sur Youtube pour inspirer d’autres femmes. Beaucoup de jeunes entrepreneures décident de monter leur boite et créer leurs propres produits capillaires.

En effet, il y a un manque de produits adaptés aux cheveux naturels avec de bonnes compositions notamment avec Lisa Price qui crée la marque Carol’s Daugther aux Etats Unis.

Le mouvement nappy s’exporte outre atlantique notamment en France avec la naissance de blog participatif comme Our hair tenu par Danielle Ahanda, des forums comme Boucles et cotons par Kelly Massol, un blog beauté Blackbeautybag tenu par Fatou N’diaye ou encore des ateliers comme l’Atelier tortille fondé par Zala.

En ce qui concerne les produits même constat qu’aux Etats Unis, des produits inadaptés poussent les femmes à fabriquer leur propre gamme de produit à partir de réels besoins comme Noire au naturel fondé par Fétia Van Hecke et Les secrets de loly crée par Kelly Massol en 2009.

Aujourd’hui on constate un renouveau auprès des personnes afro descendantes, une prise de conscience de la versatilité du cheveu naturel grâce à des mouvements identitaires, engagés dans un premier temps vers 2006-2007 en France. Ce cheminement est né d’un constat le manque de visibilité de la femme noire.

On remarque une visibilité plus présente dans les médias mainstream tel que la presse féminine, la télévision et surtout les réseaux sociaux…

Le marché du cheveu naturel

Certaines grosses firmes surfent sur ce filon en proposant à leur tour des produits destinés aux cheveux naturels.

On parle alors de greenwashing qui consiste à une entreprise d’orienter sa communication et son marketing vers un positionnement écologique.

Et il y a également le marketing ethnique qui vise les minorités afin de déterminer la production de produit. Contrairement aux Etats unis, en France on constate l’absence de données démographiques ce qui rend ce travail difficile.

Avec l’émergence du retour au naturel, les marques tentent de revoir drastiquement leur stratégie marketing afin de toucher le plus grand nombre. Les marques françaises font appellent aux influenceuses afro descendantes afin d’étendre leur compétence et toucher une nouvelle cible.

Les boutiques afro implantées en France se voient d’intégrer de nouveaux produits destinés aux cheveux naturels avec des marques plus éthiques comme traditionnelles cependant les femmes portant leurs cheveux naturels se tournent souvent vers des marques respectueuses de l’environnement, de leur santé et ne sont plus dupes face aux produits grands publics distribués.

De plus en plus de femmes prennent part et deviennent actrices de leur consommation en se rendant par exemple à des ateliers de confection de produits sans pour autant blâmer les petites entreprises qui font un travail exceptionnel et ont relancés le marché des produits avec de bonne composition adaptés aux cheveux naturels.

Chaque année a lieu la Natural hair academy, un événement parisien devenu incontournable depuis 2012 initié par Clarisse Libene co fondé avec l’agence AK-A.

Cet événement regroupe des professionnels de la coiffure et de la beauté noire en France pour donner des conseils sur l’entretien des cheveux afro. Au fil des années, il prend de l’ampleur avec de plus en plus d’atelier, de marques et d’intervenant anglophones et francophones. Un lieu inspirant qui gagne en visibilité d’année en année. Cette idée novatrice prône la bienveillance, le partage et donne de la visibilité aux marques auprès de la population afro descendante en France avec le temps son chiffre d’affaire explose car le marché est florissant.

En Afrique même constat via les réseaux sociaux, des blogs voit le jour et parle des conditions des femmes qui portent leurs cheveux naturels en organisant des rassemblements pour parler de ces problématiques comme au Sénégal ou encore au Nigeria.

Ouvrage : Frantz Fanon, Marcus Garvey, Rokhaya Diallo

Quel avenir pour le cheveu naturel ?

Le retour au naturel a permis à de nombreuses femmes de se libérer d’un poids et de prendre conscience de leur beauté au naturel. Ceci a engendré une valorisation des cheveux naturels au sein même de la communauté afro descendantes en France et ailleurs.

C’est un long processus de réappropriation culturelle et identitaire.

Ce mouvement à donner un peu plus de visibilité aux cheveux naturels et permis de mieux traiter ses problématiques en donnant la parole aux personnes concernées.

Elles doivent être au cœur de l’industrie des cosmétiques capillaires car elles seules connaissent leurs besoins.

Il a aussi relancé des modifications importantes dans l’image marketing et la communication.

Aujourd’hui avec les réseaux sociaux et internet, nous avons accès à de nombreux supports pour apprendre à entretenir ses cheveux naturellement et de s’inspirer de chacune.

Une nouvelle ère pour redéfinir une identité propre à chacun. Les personnes qui portent leurs cheveux naturels restent minoritaires mais constituent malgré tout une cible importante dans l’industrie capillaire.

Les générations futures auront le moyen de connaitre leur besoin, les spécificités de leur texture et de créer une routine capillaire plus adaptée grâce aux réseaux sociaux.

Ce phénomène aura donné le choix aux femmes de porter leurs cheveux comme elles le souhaitent sans aucune pression sociale.

Soyez votre propre muse en vous libérant des stéréotypes établis par la société. Nous sommes tous uniques.

Vive la diversité capillaire.

Sources

Articles recommandés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *